Étrange discussion...(PV)

Hermès préféra ne pas répondre à la première partie du discours de Sonoko. Il avait appris depuis longtemps qu'il était inutile d'essayer de le raisonner. Et puis, détruire ses rêves, c'était gratuit et inutile au fond. À quoi bon lui dire qu'il n'avait pas du tout envie de gaspiller son argent et son temps pour des moutons? Il oublierait bientôt de toute façon. Et, s'il voulait vraiment ses satanés moutons, il se les procurerait lui-même.

Et il les nommerait Frisé ou Fanfreluche, qu'importe...

C'était presque drôle.

Il sortit du lit et n'enfila qu'une robe de chambre. De toute façon, il savait qu'à cette heure il n'y aurait personne à la cuisine. Il sortit donc, Sonoko sur ses talons. Il remarqua à peine qu'il avait trimbalé un livre avec lui.

Il comprit que c'était un livre de mathématiques suite au commentaire suivant de son acolyte, mais encore une fois il ne se donna pas la peine de répondre. Tout cela finirait comme d'habitude par lui essayer désespérément de faire comprendre les choses à Sonoko. Et, comme la moitié du temps, il finirait par faire le devoir à sa place faute de patience.

Heureusement, sa logique était parfois presque drôle, comme un enfant. Il était même arrivé qu'Hermès en sourie.

Il alla tranquillement se faire son thé tandis que son homme de main allait se faire son café ( personnellement, il trouvait ce breuvage infect). Il alla ensuite s'asseoir sur une chaise et porta sa tasse à sa bouche. Délicieux.

''-J'ai peur de t'oublier. Toi, tu en as peur ? Je ne sais pas. Enfin c'est bizarre. Je t'aime bien tu sais.''

Il recracha un peu de thé dans sa tasse et s'étouffa légèrement. Quoi quoi quoi?!

Malgré sa toux, il put entendre le reste:

'' Outre les sous, tout ça, même si ça y participe quand même un peu. Tu es amusant, avec tes vêtements bizarres, tes manières pénibles et tes mimiques agaçantes. J'apprécie. Je suppose."

Bon Dieu. Venant de Sonoko, c'était pratiquement une déclaration d'amour! Mais qu'est-ce qu'il lui prenait, ce matin, de lui sortir ça comme ça?!

Sur le coup, Hermès Cage, pourtant si intelligent, ne sut que répondre. Il bégaya quelques syllabes sans trouver de quoi répondre.

- Euh...Ah...C'est...Oui. Non. Ah. Hum...

Il tâcha de se reprendre.

- Non, je n'ai pas peur de t'oublier pour la simple raison que j'ai une excellente mémoire et que je n'oublie pas les gens, quand bien même je ne les vois pas durant cinquante ans.

C'était la seule partie où il savait quoi répondre. La seule partie rationnelle. Le reste...Niet.

Il avait souvent reçu des compliments dans sa vie, sur son intelligence, sa ruse, sa mémoire...Mais jamais au grand jamais ne lui avait-on dit qu'on l'APPRÉCIAIT....

Il finit par ajouter gauchement, d'un ton vaguement stupide:

- En tout cas, du reste, moi aussi. Je suppose.

Il prit nerveusement une gorgée de thé. Il se sentait con. Cela ne lui arrivait pas souvent et il détestait cela. De plus, il ne comprenait pas sa propre réaction, et ne pas être capable de se contrôler ou de se comprendre lui-même le troublait beaucoup. Il se rendit soudain compte qu'il s'était renversé un peu de thé dessus.

- Damned...

Sonoko sourit et le pointa de son doigt poussiéreux :

"-Ah ! Tu es tellement maladroit.

Il mit ses pieds sur la table et joua avec sa cuillère. Il écoutait Hermès en se balançant d'avant en arrière, il était plus agité que d'habitude et avais envie de mordre et de happer quelque chose.

-C'est bien, ça aurait été dommage qu'on ne se supporte pas. Vu qu'on couche ensemble ça aurait été vraiment dérangeant.

Il tourna sa tête pour regarder un peu partout. Hermès était quand même un drôle de gars, pas très fort dans son corps mais assez doué dans sa tête. Il se remit sur ses pieds

-Tu devrais enlever ton pull, tu es vraiment super sale.

Il se rongea les ongles. Aujourd'hui il n'allait pas en cours mais demain il y retournerai. C'était un peu embêtant quand même, on ne le payait pas et il perdait des heures. Alors que la journée il pouvait allez chasser dans la forêt ou tripoter les pièces d'Hermès. Ces petites pièces étrange qui portait le nom de la défaite et qui batifolait sur une piste de danse en damier. Pendant un moment il avait cru que cela servait à raconter des histoires mais en fait non, c'était bien plus ennuyant que ça. Hermès était ennuyant. Donc il aimait les choses ennuyantes. Sonoko était ennuyé donc il ne faisait rien d'intéressant. Il alla fouiller dans les placards pour trouver des biscuits pour s'alimenter sommairement.

Il fixa le milliardaire en grignotant sa langue de chat. Il détestait les langues de chats, c'était patteux et trop sucré. Hermès devait aimer ça, puisqu'il n'aimait que les choses infecte.
Il renifla le dos de sa main, il devait prendre une douche, il était encore plein de poussière, du gravier s'était glissé dans ses chaussettes, le tissus de son pantalon au niveau de ses genoux était élimé et ses cheveux partait dans des directions aléatoire et empruntait des chemins obliques.

Ses yeux vide se fixèrent sur ceux de son employeur. Il était excité et fatigué et il n'avait aucune envie d'être seul.

-Je dois prendre ma douche, tu viens avec moi ? Toi aussi prends une douche. Tu ne sentira pas mauvais comme ça. De toute façon ça ne devrait pas être long, tu es maigre, l'eau aura vite fait le tour.

Il machouilla la manche de sa veste en guettant ses réactions, ses pupilles rétractées.

Heureusement pour lui, Hermès était quelqu'un qui se remettait rapidement. C'était une conséquence directe du fait qu'il détestait perdre le contrôle, que ce soit de lui-même ou des autres. Alors, les quelques rares fois où cela arrivait, il ne tardait pas à reprendre le dessus.

Il toussota un peu, mécontent de lui. Il était souvent plus relâché le matin. Ce devait cesser. Il eut à peine un tressaillement au terme '' coucher ensemble'', qui le déstabilisa un instant avant qu'il comprenne que ce crétin voulait dire '' dormir ensemble''. Quel langage, franchement...

Il se leva en ignorant la recommandation de son subordonné et alla éponger le thé renversé sur sa robe de chambre sans un mot. Puis, il alla se rasseoir pour finir de boire ce qui restait dans sa tasse. Quel matin, franchement...Enfin, vu l'heure, on pouvait plutôt parler d'avant-midi.

Il ne prêta pas attention à Sonoko lorsque celui-ci alla chercher des biscuits, mais le bruit de sa mastication lui rappela que lui aussi, il avait faim. Pourtant, il n'avait pas réellement envie de se faire à manger, et pas question de demander à Sonoko: s'il mettait le feu encore une fois, ils allaient définitivement se faire expulser. Ou mourir.

Il décida donc, malgré le manque de raffinement de la chose, d'aller lui aussi se prendre quelque chose dans l'armoire. Alors qu'il fronçait le nez devant tous ces mets emballés secs et sans goût, il aperçut sur le comptoir quelque chose qui le tenta davantage: des muffin bien moelleux, qui semblaient être là depuis peu de temps. Il alla donc s'en prendre un et le dégusta tranquillement. Assez bon. Un arrière-goût étrange, peut-être, mais c'était tout.

Il entendit la dernière remarque de Sonoko, la plus stupide de toutes, et répondit:

- Il n'est pas question que je prenne ma douche avec toi. Un peu de décence, voyons!

Du moins, c'est ce qu'il crut avoir répondu...Car, dans les faits, ce qu'il dit ressembla davantage à:

- ch'pas quechtion doudou k'twa. Sensiyon!

Il s'arrêta, surpris. Il avait la bouche pâteuse et commençait à se sentir bizarre. Bizarrement...Léger. Il avait comme l'impression que son intelligence le quittait, et au lieu de l'inquiéter comme cela le devrait il trouvait ça presque...Amusant. En fait, il commençait à se rendre compte que beaucoup de choses devenaient amusantes, alors que quelques minutes auparavant elles ne l'étaient pas du tout!

Il avait juste assez de présence d'esprit encore pour s'inquiéter vaguement.

''Zut, le muffin...Qu'est-ce qu'il y avait dans ce muffin...''

Pensa-t-il.

Il se leva, mais chancela sur ses jambes et dû se retenir au comptoir.

Sonoko attrapa ses hanches pour le maintenir, surpris. Il ne comprenait pas vraiment ce qu'il se passait, juste qu'Hermès était totalement différent de ce qu'il était d'habitude. En mieux ou en mal il l'ignorait mais en tout cas c'était totalement incongrue. Il hésita puis tira Hermès à la douche, il voulait quand même en prendre une, donc il profita de sa faiblesse, soit ! Mais c'était pour la bonne cause. Il n'était pas un voyou tout de même.

"-Tu ne parle pas très bien Hermès, je ne sais pas si c'est normal ou si on devrait s'en occuper du genre en appelant un médecin mais vu que ce sont tous des pas compétents, on va te laver. Viens là.

Le jeune homme le traîna derrière lui comme un sac, MAIS un sac fragile. Il ne voulait pas le casser. Il le transporta avec précaution et l'installa dans un coin de la salle de bain. Il se déshabilla sans aucune pudeur et alluma l'eau. Il s'accroupit devant Hermès.

-Tu veux de l'aide ? Tu as l'air un peu... amorve... euh non... Aporme... A... A... Amorphe ! Bon, je te laisse te déshabiller, sinon tu vas râler, tu vas hurler de ta voix de crécelle, ça va être pénible et ça va m'agacer.

Il se retourna et alla se mettre sous l'eau. Il prit son temps pour se laver, il se vidait l'esprit, ce qui n'était pas si dur et son doigt jouait sur la surface carrelée de la douche alors que ses yeux fixaient le mur d'un air vide. Il se reprit un peu plus tard et continua de frotter en jetant des coups d'oeil à son employeur. Il n'avait pas l'air bien vif, c'était même un peu inquiétant. Alors il se hâta de finir sa toilette et sorti de la douche, il s'accroupit encore devant Hermès, laissant l'eau dégouliner partout.

-Ca va Hermès ? Tu veux de l'aide ? Je peux t'aider. Te voir tout nu ça ne me dérange pas.

En effet, vu son peu de pudeur ce n'était pas étonnant.

Hermès n'était plus réellement de ce monde. On ne savait pas trop où il était, mais il n'était certes plus ici. Autour de lui, tout était flou et les couleurs semblaient inversées. Il voyait les murs jaunes, les chaises vertes, Sonoko lui-même semblait bleu...

Quant aux sons, impossible de les distinguer; il avait l'impression d'avoir la tête sous l'eau, où tous les sons parviennent déformés ou atténués. Son homme de main dit quelque chose, mais Hermès ne comprit pas un mot. Il sentit qu'on le traîner quelque part, il ne s'inquiéta que vaguement, il était trop dans les vapes.

On l'assit quelque part, ce qui le soulagea. Quand il bougeait trop, il commençait à avoir le tournis...

Une douce chaleur l'envahit, il se sentit mieux ( mais pas plus lucide). Il ne savait pas où il était, mais il sentait que c'était une pièce qui se remplissait peu à peu d'une chaude humidité, pas désagréable en fait. Un instant, il se demanda s'il était dans une théière. Puis il se dit que c'était impossible...Non pas à cause des raisons logiques auxquelles on s'attendrait, mais plutôt parce que ça ne sentait pas le thé!

Sonoko lui parla une fois encore, et une fois encore il ne comprit rien. Il commençait à délirer. Il se sentait aussi impuissant qu'un nouveau-né qui ne voit ni n'entends.

Quand son acolyte s'éloigna, il se sentit presque abandonné. Un moment passa, il n'aurait su dire combien de temps. Son angoisse commença à se dissiper, au profit d'une sorte d'euphorie. Il regarda ses mains et les trouva follement amusantes. Il rit tout bas, dépliant et pliant les doigts sans arrêts. Comme le monde était amusant!

Mais il commençait à avoir froid, malgré la chaleur dans la pièce. Il grelottait. Sonoko revint et il fut probablement plus heureux de le voir qu'il ne l'avait jamais été. Cette fois, il parvint à comprendre un peu de ce que disait l'autre:

- ...Aide?(...) dérange pas....

Il balbutia:

-Voui...Aide...Froid...Brrrr...